En 2020, l’Institut de formation Paul Héroult, branche Aluminium de Rio Tinto, a lancé un ambitieux projet de digitalisation des évaluations de compétences qui a permis d’affiner la formulation des compétences, de générer des plans d'apprentissage et d’étendre la mesure des compétences à l’ensemble des domaines de la branche. Le projet, récompensé d’un Trophée du Digital Learning 2024, illustre également l'engagement de la direction et l’adaptation technologique aux exigences de sécurité et d’automatisation, ouvrant la voie à des améliorations continues et à l’intégration future de l’IA visant à optimiser les contenus d'apprentissage.
Mesurer les compétences métiers des collaborateurs de Rio Tinto, c’est une préoccupation qui ne date pas d’hier ?
Nathalie Ravaille : Dans les années 2010, notre branche Aluminium a mis en œuvre un système d’évaluation qui était essentiellement fondé sur des fichiers Excel et une base Access, avec des exports de questionnaires qui, une fois renseignés, étaient réimportés et traités en partie manuellement pour obtenir des restitutions adéquates, individuelles et collectives. Une petite dizaine de campagnes de mesure des compétences ont ainsi été réalisées auprès des ingénieurs et des techniciens, dans les usines de production d’Aluminium d’Europe et d’Amérique du Nord ou dans les 3 centres de recherche, en alternance tous les 2 ans. Ce modèle, qui s’est progressivement affiné, a fini par trouver ses limites : expérience utilisateur insatisfaisante, gestion de données laborieuse, manque de lien avec l’offre de formation… En 2020, nous avons remédié à ces manques en nous dotant de la plateforme MOS Chorus (MOS - MindOnSite), qui répondait déjà très étroitement à nos besoins, et qui pouvait supporter des développements spécifiques.
Formuler les compétences à mesurer n’est pas toujours si simple…
Nathalie Ravaille : Nous avons procédé classiquement par une première formulation succincte — par exemple, « être capable d’analyser des données grâce à des outils statistiques » ; et par la définition de niveaux de maîtrise génériques — débutant, familiarisé, opérationnel, excellent, expert. Dans un second temps, nous avons précisé cette formulation, notamment en introduisant des verbes pour chaque niveau de maîtrise. Par exemple, pour le niveau débutant : « être capable de définir toutes les notions suivantes (loi normale, analyse à une ou plusieurs variables…) » ; ou, pour le niveau familiarisé : « être capable d’expliquer dans quelles situations on applique quels outils, etc. Nos collaborateurs ont perçu cette évolution comme une aide précieuse à leur auto-évaluation. De fait, la formulation des compétences n'a pas cessé de s'améliorer, ne serait-ce que pour tenir compte de l'évolution des métiers, et grâce à tous les retours de nos utilisateurs.
La direction a été partie prenante de ce processus ?
Nathalie Ravaille : Un facteur hautement déterminant a été, en effet, l’engagement de la direction, très vite consciente de l’intérêt individuel et collectif d’une telle démarche ; en particulier dans le pilotage et la priorisation des apprentissages ou la connaissance des écarts de compétences à combler ou encore la cartographie des compétences dans les diverses fonctions et entités du groupe. L’analyse de ces données a également permis d’élaborer et de partager plus efficacement les plans de successions entre les chefs de service, les directeurs de site, les RH et la direction.
Quels défis technologiques avez-vous rencontrés dans cette démarche ?
Nathalie Ravaille : D’abord, le défi de la cybersécurité et de la confidentialité des données confiées à une plateforme technologique extérieure. Notre cahier des charges était particulièrement contraignant ; moyennant quelques aménagements mineurs de la part de notre partenaire, nous avons disposé d’une solution répondant à la plupart des points. Un autre défi a été de construire une approche permettant de diminuer les temps de saisie et les risques d’erreur dans une optique de saisie massive d’informations, largement automatisée. Enfin, nous avons lancé des développements spécifiques quasiment en temps réels pour répondre aux retours d’utilisation. De ce point de vue, nous nous félicitons pour l’approche Agile partagée avec MOS - MindOnSite.
Quelles sont perspectives de ce projet d'évaluation des compétences chez Rio Tinto ?
Nathalie Ravaille : Nous continuons de lancer et d’améliorer régulièrement des campagnes d’évaluation et de génération de plan d’apprentissage connexes, par exemple en y intégrant de nouvelles visualisations collectives qui facilitent les plans de successions et la gestion des activités d’apprentissage. Au sujet des plans de successions, nous avons fini par opter, par site ou par service et pour une fonction donnée, pour une évaluation des besoins en termes de niveau d’expérience : tel service a besoin de 5 ingénieurs, dont 2 expérimentés, et de 12 techniciens, dont 5 expérimentés… La notion d’expérience pouvant résulter d’un résultat moyen des évaluations de compétences supérieur à un score donné. Quant aux activités d’apprentissage de type « mises en situation » (niveau 3), « projets d’analyse » (niveau 4) ou « projet d’amélioration » (niveau 5), nous cherchons à mieux orchestrer les périodes de déroulement et de clôture de chaque type d’apprentissage et à enrichir la base documentaire issue de ces activités.
Demain, l’IA ?
Nathalie Ravaille : C’est une piste que nous explorons sérieusement dans nos futures initiatives de Digital Learning : l’IA générative doit nous aider à produire plus vite des contenus d’apprentissage encore plus ciblés. Une leçon que nous tirons de notre projet « évaluation des compétences et plans d’apprentissage connexes », c’est aussi de simplifier notre écosystème numérique de formation, tous les systèmes utilisés (dont le nombre devra se réduire) devant à terme partager la même structure de données. Il y va de l’amélioration continue de nos dispositifs et d’une meilleure prise en compte des retours d’utilisation dans une collaboration agile avec nos partenaires.
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